Emily et Elizabeth, les inséparables jumelles Linvingstone, grandissent à l’ombre du phare de Porphyry, sur les rives impétueuses du lac Supérieur. Une enfance libre et sauvage au cœur de cette nature éblouissante. Jusqu’au jour où le drame frappe. Elizabeth doit alors apprendre à vivre seule, à effacer le nom d’Emily, sans pour autant parvenir à l’oublier.

Soixante-dix ans plus tard, au crépuscule de sa vie, Elizabeth s’est réfugiée dans la musique. Mais lorsque les journaux tenus par son père sont découverts dans l’épave d’un voilier échoué, elle n’a d’autre choix que se replonger dans ce passé, pour combler les vides de son histoire et peut-être réussir à pardonner…

First impressions : Autant vous le dire tout de suite : je ne serais jamais allée spontanément vers ce roman. Il s’annonce, dés la couverture, trop éloigné de ma zone de confort. Mais ma mère me l’a offert et… comment ne pas honorer un choix du cœur ? La notation accolée au titre vous dit assez bien à quel point elle ne s’est pas trompée ! Après un prologue un peu énigmatique qui m’a orientée vers une fausse idée, ce roman en forme de biopic commence d’une bien étrange manière. En effet, s’il est question des sœurs Livingstone dans le résumé, les présentations ne commencent pas par elles. Et c’est pour le mieux !

« L’histoire de votre grand-père et d’Emily débute bien avant qu’il ait mis le pied sur les berges volcaniques de Porphyry Island. Voyez-vous, ma sœur ne se pliait pas très bien aux conventions de la société. Je ne m’en suis pas rendu compte tout de suite. Pour moi, Emily était simplement Emily : belle, merveilleuse, silencieuse Emily, ma sœur, ma jumelle, le prolongement de moi-même. Jusqu’à ce qu’un soir, je surprenne une conversation entre mes parents, et cela a changé ma vie. Et c’est là que l’histoire démarre. « 

Ch. 26 « ELIZABETH »
@ashtraybooks

Les ☑ : J’ai tout de suite apprécié le personnage de Morgan, l’adolescente rebelle en perte de repères, que les événements récents dans son existence – à savoir, des grosses bêtises – vont lier à une pensionnaire de la maison de retraite dont elle a taguée la clôture : Elizabeth, l’une des sœurs Livingstone. Le ballet entre les deux femmes, entre la jeune et l’ancienne, s’apparente à la ronde prudente autour d’un animal sauvage. Elles s’apprivoisent l’une l’autre, page après page, jusqu’à ce qu’une histoire aussi importante pour l’une que pour l’autre ne les lie tout à fait, le temps d’un voyage dans le passé. J’ai bien aimé le récit d’Elizabeth, sur le mode de N’oublie jamais. Elle délie le fil de son histoire familiale avec une tonne de détails qui pourraient passer pour anecdotiques, parfois, mais qui recèlent tous une importance capitale. Car, dés son enfance, la vie d’Elizabeth et, par extension, celle de sa sœur, Emily, a été placée sous le sceau du drame et des secrets. Et le fil conducteur vibre de plus en plus à mesure que l’on approche des révélations finales, dignes des plus grandes sagas familiales.

La plongée dans le passé, à Porphyry, sur les rives du lac Supérieur, promet un dépaysement total. Même si je me suis fréquemment perdue dans la typologie des lieux explorés par Elizabeth et sa sœur, j’ai apprécié les tableaux dressés par Elizabeth de la nature environnante, presque intacte, impitoyable en hiver, et que seules les âmes fortes peuvent et savent endurer. Le quotidien à Porphyry oscille entre rigueur et vigilance de tous les instants, et liberté sauvage et primitive, comme allant de soi. Très vite, on comprend que l’on ne quitte jamais vraiment tout à fait un lieu tel que celui-ci. C’est le genre d’endroit qui nous hante à vie, geôlier de racines impossible à trancher, et que le monde extérieur ne fait qu’effleurer succinctement. La description documentée du métier de gardien de phare dans la région des Grands Lacs m’a éclairée (c’est le cas de le dire !) sur cette activité assez méconnue, de nos jours, et qui s’apparentait véritablement à un sacerdoce. Les personnages, assez taiseux pour la plupart (et c’est tout le fond de Le Silence du Phare, justement), brillent par leur authenticité rude, leur force d’âme à l’ancienne. Jean E. Pendziwol nous entraîne dans un tourbillon de souvenirs au parfum d’embruns, mordants comme les hivers rudes, intenses et mélancoliques comme une fin d’été.

Un plan qui n’aurait pas été de trop pour me repérer dans les nombreuses descriptions des rives de ce lac gigantesque ! Il est pas mal question de Thunder Bay, par exemple…

Les ☒ : Je n’ai aucun regret (!) Mais j’aurais tout de même apprécié le genre de petite carte que l’on trouve parfois, au début des livres, pour situer un peu mieux les trajets des bateaux et les excursions des filles. C’est très culturel, je pense, mais il est assez difficile, pour qui n’a jamais vécu à proximité d’un lac, a fortiori de cette envergure, de se représenter à quel point il se rapproche d’un océan et en diffère tout autant.

In the end : J’ai vraiment beaucoup aimé cette lecture qui m’a changé de l’ordinaire, moi qui suis plus habituée aux chevaliers en armure, vampires, dragons et loups-garous. Loin des dystopies tapageuses et crépusculaires que j’affectionne de lire, cette fausse biographie feuilletonnante m’a emportée dans son élan à la fois romanesque et terriblement terre-à-terre, authentique et surannée. On sent toute l’implication de l’auteure et la somme de recherches en amont nécessaires à l’écriture de ce roman* mélancolique sur les souvenirs qui nous hantent, le poids des non-dits, et la force des liens familiaux.

Un coup de cœur.

(*)Disponible chez Pocket.