Depuis la grande Catastrophe, la France est coupée en deux. Au Nord, une dictature implacable ; au Sud, derrière un grand mur, le rêve d’une vie meilleure et l’accès, peut-être, aux Oasis africaines…

Après avoir perdu tous ses points de civilité, Maya est condamnée à être remise à jour. Refusant de perdre ses souvenirs, elle prend son petit frère malade par la main et décide de fuir vers le sud et de passer le mur. Comme l’a déjà fait sa mère des années plus tôt. Les voici tous deux migrants parmi les migrants, livrés à des passeurs sans scrupules, traqués par la police des frontières et menacés par les hordes de trafiquants et de truands qui sèment la terreur et l’anarchie dans l’immense désert séparant les deux zones. L’aide d’Arno, un mercenaire casse-cou et suicidaire, leur permettra-t-elle d’échapper aux dangers qui les guettent ? Maya réussira-t-elle à offrir à son frère un avenir et un ailleurs meilleurs ?

On dit souvent qu’il ne faut pas se fier à la couverture d’un livre, et dans ce cas précis, il serait vraiment dommage de le faire. Car, si le design ne vend pas forcément du rêve (désolée Aline Bureau >.<), le résumé annonce une dystopie efficace, qui compile les ingrédients majeurs du genre et les angoisses dominantes de notre époque.

Un chapitre après l’autre, on suit tour à tour les parcours chaotiques de Arno et Maya, deux jeunes citoyens de France Nord qui tentent de survivre dans « le monde d’après » tombé dans un état d’urgence permanent. Sans vous spoiler la découverte de cet univers hostile, la France telle que nous la connaissons n’existe plus, coupée en deux comme pendant la seconde Guerre mondiale, après que la grande catastrophe climatique que l’on nous promet depuis si longtemps est enfin arrivée. Et le résultat n’est pas joli-joli.

L’auteur nous plonge dans une ambiance à la Mad Max, à mi-chemin entre Total Recall et Minority report, dans une France hostile, oublieuse des plus nécessiteux, repliée derrière une technologie punitive. De l’autre côté, en France Sud, l’espoir guette peut-être… En quelques phrases précises, sans concessions, Johan Heliot esquisse un panorama glaçant de l’avenir.

J’ai lu dans certaines critiques que certains lecteurs avaient trouvé le roman trop court et l’action trop rapide. Je ne suis pas d’accord avec cette impression. Certes, le roman est relativement court, mais étant donné l’âpreté du périple de Maya et de son petit frère, il se suffit ainsi. Concernant l’action, il y a effectivement peu de temps morts, les personnages étant assujettis à un compte à rebours incontournable. Le revers de la médaille, c’est que l’on a peut-être pas assez l’occasion de s’attacher aux personnages, même s’ils le méritent amplement.

C’est une lecture difficile, dans le sens où elle relate des conditions de vie cauchemardesques, sorte d’amalgame de tout ce qui se fait de déjà moche à notre époque (je pense notamment à l’immigration clandestine et ses conditions abjectes, au trafic d’êtres humains, etc…). Le roman dépeint un monde post-apocalyptique que l’on espère ne jamais connaître, mais qui a de plus en plus le visage du futur. On est vraiment pas sur un roman choucard ! Pour des raisons évidentes, je déconseille cette lecture aux plus sensibles des jeunes lecteurs, et pense que ce livre est idéal à partir de 14 ans. Certains passages nécessitent vraiment d’avoir l’estomac bien accroché !

Johan Heliot maîtrise son sujet, avec une action au cordeau, un environnement à la hauteur des enjeux du périple quasi suicidaire des héros, tout en maintenant une tension permanente. J’ai beaucoup aimé l’ironie de la situation semblable à celle rencontrée dans Le Jour d’après. Le pessimisme de l’ensemble pourra rebuter certains lecteurs. Mais à n’en pas douter, on est sur du bon roman d’anticipation français. Sans rien de très novateur, mais affreusement clairvoyant. L’épilogue arrive sans doute un peu vite, et laisse une impression très mitigée pour des raisons, là encore, évidentes…

Mais ça, c’est à vous de le découvrir.

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