Depuis quarante jours, la Laponie est plongée dans la nuit. Dans l’obscurité, les éleveurs de rennes ont perdu un des leurs. Mattis a été tué, ses oreilles tranchées – le marquage traditionnel des bêtes de la région. Non loin de là, un tambour de chaman a été dérobé. Seul Mattis connaissait son histoire. Les Lapons se déchirent : malédiction ancestrale ou meurtrier dans la communauté ?

First impressions :  J’ai eu l’immense privilège, en 2018, de pouvoir me rendre en Laponie, à Rovaniemi, lors d’un cours séjour remporté à l’occasion d’un concours de Noël. Et je peux vous dire que c’était tout simplement magique ! Même si je n’ai fait qu’effleurer les trésors de cette région unique à cheval sur plusieurs frontières, mon émerveillement a été total : la neige, la nuit polaire, les rennes, les chiens de traîneaux, la pêche sur glace, les motoneiges, le Village du Père Noël (bon, là, la magie en a pris un petit coup dans l’aile quand-même)… Tout était fabuleux ! C’est donc tout naturellement que j’ai jeté mon dévolu sur ce polar glacial qui, vous l’aurez deviné depuis longtemps, se déroule en Laponie.

Nina était stupéfaite. Cet homme venait de leur tirer dessus, ou tout au moins avait-il tiré pour les prévenir, mais Klemet restait bien là assis sans réagir à se faire engueuler. D’instinct, Nina compris que ce devait être Aslak. Elle releva les oreilles de sa chapka pour mieux saisir ce qui se passait.

– … que c’est un enfer en ce moment. Mais bon Dieu, comment il faut le dire ? Vous ne pouvez pas passer par ici. J’ai mes rennes là-bas. S’ils ont peur à cause de vous, ils vont foutre le camp de l’autre côté où il n’y a rien à bouffer. C’est un enfer, je te dis. Bon Dieu, c’est pas possible ! Vous devez passer de l’autre côté, pas ici, c’est clair ?!

Le ton était incroyablement autoritaire, menaçant, même si aucune menace n’avait besoin d’être exprimée. Mais toute l’attitude du berger exprimait la force, une puissance qui vous enveloppait. Nina avait l’impression que si Aslak – car ça collait tellement bien à l’image qu’elle s’en faisait – devait se jeter sur Klemet, il n’en ferait qu’une bouchée. Et, bizarrement, elle eut à cet instant le sentiment que Klemet ne ferait rien pour se défendre.

Chapitre 13

Les ☑ :  D’emblée, on se retrouve catapultés en territoire hostile. Ou plutôt, inhospitalier à l’extrême. A tel point qu’il paraît fou que des humains vivent sur ce territoire aux dimensions impossibles depuis des lustres. Pour le coup, on fait du total hors-piste ! On est bien loin des hôtels chaleureux des sites privilégiés des touristes, et la féérie de Noël n’a pas sa place dans ce polar dramatique teinté de thriller politique. J’ai été frappée de mon ignorance concernant l’histoire de ce pays à nul autre pareil. Je m’étais documentée avant de m’y rendre, bien sûr, mais les guides touristiques ne s’attardent pas franchement sur la condition du peuple Sami, les autochtones lapons. Et ce que j’ai lu dans ce roman m’a remplie d’effroi. À cet égard, le prologue a quelque chose d’insoutenable.

Brillamment construit, le roman explore plusieurs points de vue, dans un prisme complexe sur la situation du pays, à l’organisation aussi fractionnée que son territoire. L’animosité ambiante est criante. J’ai ressenti énormément d’amertume et de solitude de la part des personnages. Malgré son âpreté, on est tenus en haleine par ce thriller qui prend des allures de chasse au trésor. Les enjeux de l’enquête sont démultipliées sur un territoire dans lequel mettre le nez dehors est déjà un acte de bravoure. J’ai particulièrement apprécié la description de tranches de vie des personnages principaux, aux antipodes des nôtres. Un vrai choc des cultures !

Les ✖ : Je dois reconnaître avoir un peu survolé certains passages du roman… Essentiellement ceux mettant en scène le détestable Racagnal – personnage vomitif – et particulièrement tout ce qui avait trait à la géologie. Les descriptions, un peu trop techniques à mes yeux, m’ont rapidement parues fastidieuses. J’étais bien plus préoccupée par le duel silencieux entre le géologue français et le berger lapon… Lequel ne m’a pas déçue.

J’avoue avoir été désarçonnée par la fin, incroyablement abrupte. J’en suis restée démunie, sur le seuil de révélations trop abstraites après avoir attendu tant de réponses.

In the end :  C’est un polar atypique qui va longtemps me hanter, bien loin de l’image de carte postale pittoresque que j’avais de la Laponie après ma courte visite à Rovaniemi. Un roman puissant, extrêmement troublant. Il semble qu’il ne soit que le premier jalon d’une trilogie, et je reconnais brûler d’impatience d’en apprendre plus sur Klemet et Nina. C’est avec bonheur que je retrouverai la police des rennes pour une nouvelle enquête !